Comme sous le joug de Cronos, le temps fit une nouvelle caprice. Tout semblait s'être figé. Plus un bruit ni même un souffle ne lui parvenait. Telles des statues de pierre, ses Guerriers se dressaient devant lui subissant la pause du flux temporel. Pouvoir contrôler le sablier de la vie était une chose à laquelle toute divinité aspirait mais malheureusement une seule pouvait se vanter de l'avoir à jamais apprivoiser. Prisonnier du Tartare, la déité conserverait ses secrets à jamais enfouis.

En son jeune temps, bien avant la rébellion olympienne, Hadès avait tenté d'apprendre de son père. Lisant et relisant ses récits au travers des nombreux parchemins du palais royal, il ne put comprendre toutes les subtilités de cet art. Bien qu'assimilant la théorie, le jeune fils de Rhéa butait sur la pratique. Lorsque la Titanomachie fut déclarée, Hadès du abandonner ses recherches afin d'aider ses frères pour enfin aspirer à la liberté et abattre la monarchie oppressante du Roi Cronos dont on dit qu'il serait devenu fou à cause de son pouvoir.

A l'instar du rêve, naviguer dans les couloirs du temps peut amener à douter de la réalité à tel point de ne plus discerner le vrai du faux et de vouloir exister dans un monde illusoire. Lorsque les Titans furent chassé des cieux pour être enfermés à jamais, tout ce qui leur appartenait, tout ce qui leur faisait honneur furent mis à sac et détruits. Hadès regarda avec dépit les livres sacrés partir en fumée. Déjà à l'époque, peu de Dieux lui faisaient confiance. Se sentant surveillé, il ne prit pas le risque de conserver et cacher un ouvrage.

Son Armée immobile commença à se désintégrer, tombant en poussière sur le sol rocailleux des Enfers, son Royaume. Au travers du nuage de poudre encore présent, des bruits de pas militaires résonnèrent. Le flou se leva alors. avec stupéfaction, Hadès vit son Armée au complet marcher au pas sous les applaudissements d'une foule en ébullition. Le bataillon se scinda alors en deux et un Homme auréolé d'un cortège s'avança attirant toutes les attentions.

L'Homme retira sa cape laissant découvrir une magnifique armure aux couleurs pourpres et charbon. Il ôta son heaume, son visage angélique faisant redoubler les applaudissements du public. Cet inconnu s'était lui:Hadès! Visiblement marqué par les combats, il semblait revenir de la Guerre. En observant son visage rayonnant, on pouvait facilement deviner le dénouement de la bataille divine.

Le Dieu des Enfers ne put que regarder son double s'avancer le long d'un large tapis rouge passant devant une assemblée de représentants et ambassadeurs en tout genre. Il le suivit du regard et fut frapper d'un choc en pleine poitrine. Le Guerrier Hadès venait de rejoindre une dame forte élégante, sa promise: la fatale Perséphone.

Depuis combien de temps ne l'avait-il pas vu. Il ne pouvait en croire ses yeux pourtant les images défilaient devant lui. Il tenta alors de se rapprocher de son clone embrassant sa femme mais à nouveau la scène se figea. Hadès le réel navigua entre les badauds jusqu'à rejoindre le couple impérial. La déité ne put s'empêcher de poser la paume de sa main sur le visage de sa bien aimée. Il caressa sa joue d'un geste tendre. Le mouvement oublié, agissant par souvenir et par instinct, il se sentit comme la première fois qu'il l'avait rencontré.

Elle, immobile mais son corps encore chaud, il lui prit le visage entre ses mains, rapprocha sa bouche de la sienne jusqu'à ce que le contact se fit. A peine commença t-il à l'embrasser que le corps de Perséphone commença à disparaître, à se décomposer. Hadès s'écarta vivement et la regarda lui échapper une nouvelle fois. Il n'eut le temps que de lui agripper la main et d'en retirer un bracelet avant qu'elle ne s'évanouisse dans le néant. Les autres personnages de la scène suivirent alors son exemple et Hadès se retrouva rapidement seul.

Le jeune Empereur du Royaume souterrain déserra le poing et observa le bracelet qu'il avait ôté du bras de sa belle. Il s'agissait là d'un de ses présents de leur rencontre: un bijou constitué de cent neuf petites perles noires dont une se distinguait de part sa taille plus imposante mais également sa couleur rouge sang. Certes, il était simple mais pourtant rempli d'une si forte signification.

A l'époque, Hadès lui avait expliqué que ce bracelet était le symbole de son amour pour elle. En effet, les perles de couleurs noires représentaient son Armée spectrale alors que la perle rouge lui faisait référence. Tout ceci pour lui dire qu'il lui offrait son âme mais également la vie de ses Hommes et donc par définition son Royaume et tout ce qui l'entourait. En portant ainsi ce bijou, elle s'octroyait le contrôle total sur les Enfers mais également sur son régent.

Hadès sortit de ses souvenirs et passa l'ornement autour de sa main gauche et le glissa délicatement jusqu'à son poignet. Son choix ne fut pas pris au hasard. Il s'agissait là de la main avec laquelle il brandissait son Epée, la terrible faucheuse de vies. Cette vision venait de lui donner un sentiment auquel il n'avait pas gouté depuis longtemps: l'espoir. Peut-être venait-il de subir une vision d'un futur plus ou moins proche? Peut-être était-ce le soutien d'un père éloigné? Pour connaître les réponses à ces questions, il n'y avait qu'un seul moyen: luter encore et encore afin de s'approprier tout ce qu'il considérait lui revenir de droit. Il ferma alors les yeux et inspira fortement comme pour s'imprégner du moment et se faire une promesse.

Le fracas des conversations le ramena à la réalité. Quand il ouvrit les yeux, il vit de nouveau ses Guerriers mais cette fois-ci en plein mouvement. Alors que d'autres s'agitaient et se chamaillaient d'autres tentaient de lui adresser la parole. Il tourna la tête et vit que Charlotte le regardait avec un air inquiet. Tout en reprenant ses esprits, il lui sourit quelques instants afin de la rassurer. Il porta alors la main à son poignet et vit que le bracelet était bien présent. Il sentit la pression de Cerbère sur ses jambes comme pour attirer son attention mais Hadès comme intrigué par ce qu'il venait de se passer, continua d'observer le bijou...

Perdu dans ses pensées depuis cette vision soudaine, il ne cessait d'observer le bracelet qui ornait maintenant son poignet. Ce fut Raïmi l'excentrique qui vint le sortir de son monde illusoire en proférant quelques paroles. Hadès le prit alors en considération détournant le regard de l'objet fantasmagorique pour le poser sur son Homme de main.

Le Spectre du Ver lui apprit alors qu'une délégation du Sanctuaire Sous-Marin s'était présenté ici même, aux portes des Enfers. L'Homme placé sous la protection de l'Etoile terrestre de la soumission fut très vite rejoint dans ses dires par Charlotte, prêtresse du culte des ombres et des terres désolées.

Une fois à hauteur du Monarque, elle poursuivit le récit en profondeur. Ainsi, les Guerriers de Poséidon étaient venus dans l'idée de proposer une quelconque alliance entre le Sanctuaire Sous-Marin et les Enfers. Cette volonté démontrait sans nul doute la faiblesse des rangs de son frère. A vrai dire, lui-même ne disposait pas d'une armée assez conséquente pour pouvoir tenter des actions seul. Malgré lui, il avait déjà dû s'associer à Odin et très certainement devrait renouveler cet acte avec la faction atlantéenne.

Voyant que Charlotte avait pris la situation en main, il lui sourit face à cette initiative. Hadès avait pour le moment pleinement confiance dans les actes et décisions de sa jeune prêtresse. Celle-ci jugea qu'il était grand temps de se rendre au sommet du mont Etna afin de parfaire la rencontre avec Athéna. Quelque chose le tracassait mais il lui était impossible d'en deviner la cause. Il regarda alors Raïmi se courber tel un bouffon lui indiquant de prendre la route.

Hadès tendit alors son doigt en direction des portes infernales. Son cosmos s'éleva quelque peu et une projection cosmique déferla sur l'entrée des Enfers. Les portes se voilèrent alors tel un miroir rebondissant encore et encore jusqu'à ce qu'un tourbillon aux couleurs mauves se dessine en son sein. Le Maître des Spectres venait d'ouvrir un portail spatio-temporel reliant son monde au lieu de rencontre prévu. Il regarda chacun de ses Hommes dans les yeux puis adressa d'une manière générale:

- Guerriers des Enfers! Il est temps de marcher vers le futur et vers celle qui a toujours freiné nos envies d'expansion!

Hadès fit alors virevolter son par-dessus et marcha en direction du portail. Chacun de ses Hommes allait alors lui emboîter le pas. Déjà, il pouvait sentir leurs pas s'inscrire dans la trace des siens. Le sombre Monarque toucha de sa main le tourbillon infernal et disparut destination: le mont Etna!